Le genre Carpinus, les charmes ou charmilles, compte une cinquantaine d’espèces en Asie, Europe et Amérique. Notre charme commun, Capinus betulus, est une plante résistante, intéressante pour faire des haies dans les jardins de campagne notamment.
L’intérêt des charmes réside dans la diversité et l’ornement de leurs feuillages. On trouve en Asie une multitude d’espèces tout à fait rustiques chez nous dont les jeunes feuilles sont rouge brillant, de formes allongées, avec des ports très souples. On les observe le plus souvent en sujets isolés dans les jardins mais ils peuvent également constitués de belles haies à condition de trouver suffisamment de plants !
Parmi toutes ces espèces, il en est une qui a quasiment le statut de plante mythique, c’est le Carpinus fangiana. Il faut dire que cette espèce est impressionnante et détient le record, au sein du genre, des feuilles et inflorescences les plus longues. Les feuilles peuvent avoisiner les 30 cm de long et les inflorescences atteindre 50 cm !!
Autant dire que lors de mes tout premiers voyages en Asie, ce charme figurait dans ma liste des espèces à voir. Et j’ai du me montrer patient ! Il aura fallu attendre mon 5° voyage en Chine pour enfin le trouver.
Pourtant, durant les précédents voyages, nous avions traversé des régions du Sichuan où il est répertorié mais sans jamais l’apercevoir. C’est donc en mai 2007 que nous avons enfin pu nous rendre compte de la beauté de cet arbre. Ce fut presque par hasard car la vallée perdue et sauvage dans laquelle nous en avons trouvé une forêt n’était pas à notre programme. Nous étions dans le Sichuan, dans la région de Baoxing. Pas de route, pas d’habitations, une zone protégée pour le panda et donc une flore intacte. Pour preuve, ces superbes arbres aux mouchoirs tout en fleurs (Davidia involucrata) de 30 m de haut !
Il y avait donc là, au fond de cette vallée, au bord de la rivière, des dizaines de grands sujets de Carpinus fangiana.
Leurs feuillages étaient en effet très impressionnants. Les inflorescences, bien que déjà grandes, n’étaient pas encore à leur taille maximale (nous étions début mai).
Lors d’une halte dans la petite ville de Baoxing (où séjourna Armand David), nous avons trouvé un plan « touristique » de la région. La carte indiquait surtout les temples, chutes d’eau et panoramas. Quelques petits villages y étaient signalés. Ce sont des points de chute intéressants car on y trouve bien souvent un petit logement et ils sont situés en pleine nature, ou en tout cas proches des forêts. Nous en avons donc choisi un au hasard et pris un taxi qui nous emmena, deux heures durant, à travers une petite route sinueuse de montagne, d’abord goudronnée, puis en terre, jusqu’à un petit pont en bois cassé, donc infranchissable. Nous avons du continuer à pieds. Je pense que c’est la première fois que nous trouvions une vallée aussi préservée. Il y avait bien une petite route qui serpentait le long de la rivière autrefois, mais il n’en reste que des traces et des passages effondrés. Nous ne trouverons jamais le « village » que nous avions repéré sur la carte à Baoxing et nous avons du rebrousser chemin à la nuit tombante pour trouver une chambre chez l’habitant dans un petit village en bas de la vallée. Cette vallée mériterait vraiment une visite approfondie d’autant que nous y avons également observé des plantes de la rare hellébore du Tibet (à venir dans cette série).
L’espèce est dédiée à Wen Pei Fang (1899-1983), un naturaliste né dans le Sichuan qui avait fait son Doctorat à Edimbourg en Ecosse. Il travailla de nombreuses années au département de biologie de l’université de Chengdu dans le Sichuan où il collecta énormément de matériel végétal, notamment dans la région du fameux mont Emei. Il étudia plus particulièrement les arbres et surtout les érables et rhododendrons. Il aurait collecté plus de 20.000 échantillons et découvert plus de 100 nouvelles espèces. Ces nombreuses illustrations furent publiées entre 1942 et 1945 dans Icones Plantarum Omeiensium, imprimé par l’université de Chengdu. Il publia également une révision du genre Acer en 1966 et accompli un gros travail sur les rhododendrons chinois. Il a aussi fortement contribué au premier volume de la Flora Sichuanica en 1981.
Les premières collectes de l’espèce ont été réalisées près de la ville de Nanchuan dans le SE. du Sichuan, probablement sur les pentes de la montagne Jinfo, bien connue des botanistes. Il a, depuis, été découvert dans divers endroits du Guizhou, du nord du Guangxi et de l’est du Yunnan. Il n’a été introduit en culture qu’en 1991 à partir de graines collectées par le célèbre Mikinori Ogisu dans le sud du Sichuan à 1750 m dans la région de Shanlengyong (à 270 km au sud de Chengdu).
Une seconde collecte a eu lieu en octobre de la même année par John Simmons, Charles Erskine, Charles Howick et William McNamara dans les montagnes Erlang et un arbre fut planté dans l’arboretum de Kew.
Nous avions traversé le massif des Erlang shan en septembre 2005 lorsque nous nous rendions dans l’ouest du Sichuan à Kangding. Notre bus ne s’y était malheureusement pas arrêté (ah si on pouvait conduire en Chine !) mais la végétation était très dense et riche. Celle-ci devenait plus sèche et clairsemée en redescendant sur la petite ville de Luding. Il n‘est pas surprenant que l’espèce s’y trouve également. Cette route est aujourd’hui bien moins fréquentée depuis l’ouverture d’un tunnel.
Dans le jardin, on le plantera dans un endroit clair mais non brûlant, à mi-ombre en sol frais. En sol sec, sa croissance sera moins rapide. Il formera rapidement un grand arbuste ou un petit arbre de plus de 5m de haut. Adulte, on peut espérer qu’il atteigne une dizaine de mètres. Il produira des graines viables si deux pieds sont plantés à proximité. On le trouvera donc le plus souvent en plant greffé dans le commerce.
Plants greffés de 30 cm environ.